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La face cachée des profs!
3 janvier 2011

Epique, épique, et ...

Ce matin, telle une héroïne mythique, je me levai, mes yeux bouffis de sommeil encore emplis de mes exploits aussi nocturnes que fictifs. J'accomplis mes tâches diverses, avant d'affronter avec courage les frimas du mois de janvier, ne jetant qu'un oeil blasé au thermomètre qui affichait avec orgueil ses -4 degrés. Les vrais héros n'ont jamais froid, pas même à sept heures du matin.

N'écoutant que ma force de caractère et mon courage naturels, je grattai, avec une force surhumaine, les éclats de givre qui ne rendirent les armes qu'après de nombreuses minutes de combat intense. Je m'attelai à ma tâche, déclamant les célèbres vers qu'Homère prêta à son Ulysse lorsque celui-ci se rendit compte que les quarante prochaines années s'annonçaient un tantinet difficiles: "Put*in de b*rdel de c*nnerie de mois de janvier de m*rde!" (traduction du grec).

Zigzagant avec aisance entre les plaques de verglas, patientant avec ténacité derrière les tracteurs annonciateurs de ma laborieuse campagne, je roulai le long de la voie qui me menait vers mon devoir, sachant que seule la satisfaction de la tâche accomplie pouvait me combler. Je sentis monter en moi la fièvre du service de la Nation, l'envie profonde d'éduquer la jeunesse qui fera la gloire de notre prestigieux pays... En me garant sur le parking couvert de glace, tel Hercule manoeuvrant son char sur la voie glissante de la gloire, je me sentis pénétrée d'une irrépressible envie de transmettre mon Savoir, ignorant courageusement mes deux neurones qui criaient leur envie de regagner le dessous de la couette.

A peine les portes de ce lieu mythique franchies, je m'exclamai, reprenant l'immortelle phrase du roi Egée se jetant dans les flots noirs de la mer éponyme "B*rdel, mais ça caille ici!!!" (traduit du grec). Renseignements pris, je m'avisai que notre aimable gestionnaire avait "oublié de remettre le chauffage hier soir" (je cite) et que la température moyenne des salles était de "16 degrés" (idem).  Qu'à cela ne tienne, si certains héros affrontèrent en leur temps Méduse, l'hydre de Lerne, voire Zeus en personne, j'étais fort capable d'assurer mes cours en claquant des dents et en me collant au radiateur, face à des élèves avides de se pénétrer de mon savoir, enfouis dans leurs doudounes et prenant des notes avec leurs moufles. Le froid vivifie les héros, c'est bien connu!

Mais le héros, personne ne l'ignore, n'achève jamais sa divine tâche. Il me fallut me plier au sacro-saint rituel pythique d'embrasser une soixantaine de joues glacées avec mes lèvres gercées et bleuies en répétant la phrase millénaire qui a perdu en sincérité ce qu'elle a gagné en popularité "Bonanébonnesantémeilleursvoeux" (à traduire dans toutes les langues du monde). Le héros accomplit sa tâche, bien qu'espérant en son fort intérieur pouvoir échapper à la corvée de bise à des personnes avec qui on travaille et qu'on n'embrasse jamais...

Cependant, chers lecteurs, l'héroïne que je suis a failli.

Le héros renâcle quelquefois devant l'ampleur de sa tâche, renonce, abandonne, laissant l'humanité la plus grossière prendre le pas sur l'immensité de son courage. Le héros, parfois, se montre bassement humain. Il se contente de fuir devant la pire des tâches, en laissant là épée et bouclier, casque emplumé et glaive luisant, redevenant alors une simple prof dégoûtée par sa matinée pourrie et écoeurée par le taux de bises fournies en une seule petite journée.

Je n'ai pas fait la bise à Monsieur Mouchamerde.

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Commentaires
P
Haha ! Je crois que c'est un de mes articles préférés! Toutes mes félicitations :D
A
Super j'attendais avec impatience un nouveau post sur ce blog ^^. J'espere que tu auras bientot plein d'autre (més)avantures a raconter =)
Z
Monsieur Slave, nous ne pouvons que saluer votre savoir et votre culture immense, celle-là même que vous vous évertuez à nous montrer en l'étalant d'une façon grotesque (on m'a souvent avertie, concernant la culture, que moins on en a plus on l'étale... Pourquoi ce déballage ? Pour bien prouver votre supériorité ?)<br /> <br /> En tous cas, si vous étiez effectivement cette personne fine et cultivée que vous prétendez, j'imagine que vous auriez compris que l'objet de cet article de blog n'est pas l'analyse de notre société, mais bien un récit distrayant et humoristique à prendre au second degré, sur un stylé délibérément emprunté à l'épopée, pour appuyer le côté fantasque de la chose.<br /> <br /> La vie est déjà assez bien compliquée et je salue Sifi de nous faire sourire à chaque article de blog. Je suis donc désolée pour vous que votre savoir vous empêche de profiter un peu de la légèreté des choses.
S
Est-ce de l'humour noir? <br /> Tout à fait sincèrement j'ai pour la mouche à merde un incommensurable respect qui n'a d'égale que la grossièreté de mon style et mon inculture.<br /> Merci de me l'avoir si aimablement fait remarquer.
S
Quelle joie de lire cet amalgame entre une haute tradition classique et la trivialité grossière finale ! Ah ! la mouche à merde. Si vous aviez pris le temps de lire les Promenades entomologiques de Jean-Henri Fabre (FM La Découverte), vous auriez apprécié la mission des géotrupes et du bousier patriarche (page 158 et ss.) et auriez compris que la mouche à merde a un rôle social aussi important que les ministres. J'ai abouti au bac philo latin grec jadis, et je tremblais à l'idée d'avoir à commenter la mort de Patrocle, mais il m'ont admis à la première session. Votre humanité n'est pas grossière, en fait elle est seulement un peu inculte comme l'est celle des nombreux jeunes professeurs qui ne s'instruisent plus puisque le savoir n'est plus au centre du système, et qu'il croient tout savoir ab initio, si l'on en croit les dix compétences exigées sur Eduscol en fin d'année. C'est triste que l'on réduise la culture à de la gestion de l'information. Le fumier était le meilleur fertilisant qui soit pour les cultures, mais lorsque l'on considère le fumier comme avilissant, les cultures perdent de leur qualité au bénéfice de l'industrie chimique.
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