Je mute...
Certains le savaient déjà, d'autres s'en doutaient... Coup de tonnerre pour certains: je mute!
A la rentrée, je ne serais plus prof de Collègedifficile dans Citéquiflambe mais je migre à Bahutpépère dans Bledpaumé...
Pourquoi, comment? Comment est-ce possible? Comment est-ce imaginable?
Vous vous en doutez, les raisons de demander à changer d'établissement sont multiples... fatigue morale à lire des copies ineptes, à me battre contre des moulins à vent, à assurer un projet dans un binôme qui ne fonctionne pas, et tout simplement le fait d'avoir tiré mes 5 ans en zep et d'avoir envie de voir si l'herbe est plus verte ailleurs...
Pourtant, c'est étrange de partir, de quitter son chez-soi, l'endroit où finalement j'ai appris mon métier, les gens que je voyais presque tous les jours et que j'ai appris à aimer pour certains. Quel drôle de sentiment, entre l'envie de prendre son envol et la sécurité du nid...
Je suis allée visiter Bahutpépère, j'avais l'impression d'être une extraterrestre, entre les couloirs silencieux, les élèves qui ont presque tous la même couleur de peau... j'avais pris goût à la diversité remuante et frétillante de nos couloirs vibrant sous la charge de troupeaux de mammouth à chaque sonnerie. J'ai ressenti le plaisir de découvrir une belle salle moderne et lumineuse, le tableau rigolo qui monte et qui descend, ma mini-salle de travail perso attenante à la salle de cours mansardée avec sa verrière et sa vue sur la forêt... mais j'ai aussi eu une bouffée de nostalgie pour les salles décrépites aux couleurs criardes, à la vue sur les tours et aux fenêtres sales...
J'ai vu quelques nouveaux collègues, des gens dans la quarantaine, calmes, sérieux, sympathiques, et j'ai ressenti une bouffée de nostalgie en pensant à la salle des profs trop petite et bruyante des jours de réunion, aux fous rires monumentaux autour du café de quatre heures, au fait qu'à presque 30 ans j'étais déjà dans la tranche d'âge moyenne du collège, aux jours de découragement aussi où on se mettait à plusieurs à remonter le moral du collègue qui flanchait.
Moi qui étais si contente d'avoir obtenu la mutation de mes rêves, un collège tranquille à 10 minutes de chez moi, tout neuf, j'ai ressenti soudain le violent besoin de partir en courant, de me sauver dans le lieu que je connais, avec les gens que je connais, les élèves dont j'arrive à identifier les fratries et les filiations... Un collège dont en cinq ans je faisais partie des meubles...
Pourtant en y retournant, en découvrant que quatre de mes sixièmes ont volé en quelques mois presque tout le stock de bandes dessinées du FSE, en entendant les collègues se plaindre des troisièmes qui refusent même de sortir leurs affaires à une semaine du brevet, en assistant à deux conseils de discipline sordides, je me dis que ce départ était nécessaire pour garder ma motivation et mon envie d'innover et de monter des projets...
Drôle de sentiment, la mutation...